C’est une première analyse mondiale des nématodes du sol publiée dans la revue Nature (1) : elle révèle que ces organismes sont plus abondants dans l’extrême nord (sols subartiques) que sous les tropiques. Les sols de la planète renferment 440 milliards de milliards de nématodes, ce qui représente une biomasse sèche d’environ 0,3 giga tonnes. « C’est l’équivalent de 82 % du poids de toute l’humanité».
Les nématodes sont les animaux les plus nombreux au monde, mais aussi parmi les plus petits : du fait de cette petite taille, ils sont encore méconnus. C’est pourquoi un consortium international dont Cécile Villenave (ELISOL environnement) fait partie, vient d’étudier l’abondance mondiale de ceux qui vivent dans les sols.
Cette étude est la première à cartographier la répartition mondiale des nématodes du sol, organismes qui constituent environ les quatre cinquièmes de tous les animaux terrestres et jouent un rôle essentiel dans le cycle des nutriments dans le sol, la croissance des plantes et le climat. Un travail mené par un consortium international de soixante-dix nématologistes et statisticiens. (1)
L’étude démontre que la majorité des animaux dans le monde vivent dans les hautes latitudes : 38% des nématodes du sol se trouvent dans les forêts boréales et la toundra, en Amérique du nord, en Scandinavie et en Russie ; 24% dans les régions tempérées ; et seulement 21% dans les régions tropicales et subtropicales.
De plus, la population mondiale de nématodes du sol est bien plus importante qu’on ne l’avait estimée précédemment, avec 57 milliards pour chaque être humain. Leur biomasse totale est d’environ 300 millions de tonnes, soit environ 80% du poids total de la population humaine de la Terre, qui est de 7,7 milliards de personnes.
L’étude s’est concentrée sur les 15 cm de sol les plus actifs (la zone la plus active biologiquement) et a calculé que dans le monde entier, le sol abrite 4,4 x 10 puissance 20 nématodes.
6 759 échantillons de sol ont été analysés, représentant chaque continent et tous les environnements, de la toundra arctique à la forêt tropicale humide, les nématodes ont été identifiés sur critères morphologiques en microscopie afin de générer un jeu de données mondial représentatif.
Les chercheurs ont utilisé l’apprentissage automatique pour déterminer la relation entre l’abondance de chaque type de nématodes et le climat, le sol et la végétation de chaque site échantillonné, en identifiant 73 variables différentes. Ils ont utilisé ces informations pour créer des modèles prédictifs des populations de nématodes pour chaque kilomètre carré et créer les premières cartes mondiales à haute résolution des densités de nématodes dans le sol.
Le Dr. Johan Van den Hoogen, auteur principal de l’étude, a déclaré : « Il y a un monde immense caché sous nos pieds que nous comprenons à peine. Cette étude modifie fondamentalement notre compréhension de la répartition de la vie sur terre. Nous avons été surpris de constater que les nématodes sont si abondants et qu’il y a plus d’animaux dans les régions arctiques et subarctiques que dans les tropiques – le contraire de ce que nous voyons au-dessus du sol. Les organismes du sol constituent la partie la plus importante mais la moins comprise de la biosphère terrestre. Pour protéger la biodiversité et élaborer des stratégies efficaces de lutte contre le changement climatique, nous devrons modéliser l’activité biologique sur les sols du monde et planifier la meilleure façon de gérer les écosystèmes. »
Les nématodes jouent un rôle essentiel dans le cycle du carbone et des nutriments et sont essentiels à la compréhension de l’activité biologique dans le sol. Ils se nourrissent de bactéries, champignons, plantes et autres organismes du sol, jouant un rôle clé dans la chaîne alimentaire.
Ils jouent un rôle important dans l’influence des émissions de CO2 des sols, en déterminant si le carbone est emprisonné dans les organismes du sol ou rejeté dans le sol et l’atmosphère. Leur activité contribue à créer des sols et des conditions favorables à la croissance et au captage du carbone par les plantes.
Un rôle clé dans les flux de carbone
Enfin, quand ils respirent, ces animaux rejettent l’équivalent de 15 % du carbone émis par les énergies fossiles ou 2,2 % des émissions totales. « Mais, attention, comme ils contribuent aussi au transfert de carbone de l’atmosphère vers les sols en aidant les plantes à pousser, ainsi que vers leurs prédateurs qui sont aussi des proies, et dans la mesure où ils restent dans les sols quand ils meurent, leur contribution à la régulation du cycle du carbone est centrale, précise le chercheur. Par conséquent, ces données sur la biomasse et leur respiration peuvent aider les climatologues à affiner les flux de carbone mondiaux dans les scénarii climatiques, actuel, et à venir. »
1. J. van den Hoogen et al. Soil nematode abundance and functional group composition at a global scale. Nature, 24 juillet 2019 ; doi:10.1038/s41586-019-1418-6